Arrivés à Budapest un matin de mi-avril, après un FlixBus tranquille depuis Munich, nous étions six étudiants internationaux, un peu fatigués mais surexcités à l’idée de découvrir la capitale hongroise. Tout de suite, le contraste saute aux yeux : tramways jaunes qui filent, façades Art nouveau fraîchement restaurées, immeubles plus sévères qui racontent une autre époque. Dans l’air, une odeur de café et de pâtisseries chaudes, invitation claire à traîner, regarder, goûter.
Le temps de poser nos sacs, de tracer deux ou trois repères sur la carte, et nous voilà partis pour une première errance du côté de Pest. Les terrasses se réveillent au soleil de printemps, le brouhaha de la ville se mêle aux éclats de rire. C’est là, au milieu de ce tintamarre joyeux, que notre aventure budapestoise a vraiment commencé.
Pour lancer la journée, cap sur la place Deák Ferenc, véritable carrefour de la ville et rendez-vous évident. Le mélange des styles est frappant : vitrines modernes en bas, façades anciennes au-dessus, comme un dialogue entre deux Budapest. Les terrasses sont déjà pleines, étudiants, touristes, ouvriers en pause, tout le monde s’y croise.
On se cale à une petite table. Café noir, deux, trois bouchées de viennoiseries, et on observe le ballet des tramways, les vélos qui se faufilent. Autour de nous, ça parle hongrois, anglais, allemand ; au loin, une cloche d’église ponctue la scène. En quelques minutes, on prend le pouls de la ville. Cette halte improvisée nous sert de brief : on affine le programme… tout en se laissant la liberté de changer d’avis au prochain coin de rue.
Direction la colline de Buda. On laisse le funiculaire aux cartes postales et on grimpe à pied, pour le calme des sentiers et les points de vue qui se dévoilent peu à peu. Le chemin, un peu ombragé, bordé de lierre, ponctué de vieux bancs, offre une parenthèse hors du tumulte. Par endroits, des plaques et des fresques rappellent l’histoire remuante de la ville.
Tout en haut, près du Palais de Budavár, la récompense : panorama grand angle. À l’est, le Parlement accroche la lumière, les ponts étirent leurs arches au-dessus du Danube, et l’Île Marguerite apparaît comme une longue touche de vert au milieu du fleuve. Les appareils crépitent, et puis plus rien. Un petit silence partagé qui vaut toutes les photos : Budapest se déploie, multiple, majestueuse.
Redescendus côté Pest, on s’éloigne des grandes artères pour des ruelles plus discrètes. L’architecture y est plus simple, mais chaque façade semble avoir quelque chose à raconter. Entre un café littéraire, une galerie d’art contemporain minuscule et une boutique de créateurs, on avance sans se presser. Les couleurs, les mosaïques Art déco, les enseignes rétro retiennent l’œil à chaque pas.
Pause sucrée : un dobos torta, ce gâteau à étages génoise–crème au chocolat, dégusté dans une pâtisserie planquée au fond d’un passage. Le cacao, la vanille, et l’odeur du pain qui sort du four chez le voisin : difficile de repartir. Dans les librairies alentour, des rayons en hongrois, anglais, allemand donnent envie de s’asseoir et de feuilleter, juste pour le plaisir de se sentir un peu d’ici.
Cap ensuite sur Szimpla Kert, emblème des ruin bars du quartier juif. Un ancien immeuble rafistolé en bar alternatif : tuyaux apparents, chaises dépareillées, vieux vinyles accrochés aux murs… C’est chaleureux, photogénique. La musique enchaîne jazz doux et électro feutrée, les conversations passent d’une langue à l’autre sans effort.
On trouve un coin tranquille, on partage un sorbet maison et on regarde le défilé : étudiants, voyageurs de passage, artistes du coin. L’endroit parfait pour mettre des mots sur nos premières impressions et parler de ces contrastes, architecturaux, culturels, qui font le charme de Budapest.
Le soir, on embarque pour une croisière sur le Danube. Bateau sans toit : vue dégagée, brise légère. Le Parlement néo-gothique se reflète dans l’eau sombre, le pont des Chaînes tend sa silhouette métallique, le château de Buda domine la colline. Peu à peu, les bruits de la ville s’estompent ; il ne reste que le clapotis et des voix basses.
Cette traversée offre une autre lecture de Budapest : l’ensemble, la cohérence, la place du fleuve. On prend quelques photos, puis on range le téléphone. Juste regarder. Et respirer.
Le lendemain, dernier arrêt gourmand : le Great Market Hall, le grand marché couvert à la charpente Art nouveau, tuiles colorées, vitraux qui tamisent la lumière. À l’intérieur, c’est un festival : fruits et légumes bien rangés, montagnes de paprika, salamis fumés, pains croustillants, confitures maison. On partage un lángos nature : pâte frite, croûte dorée, cœur moelleux. L’ambiance est chaleureuse, bruyante juste ce qu’il faut : un concentré de vie locale.
Avant de filer, on traîne encore un peu le long des rives du Danube. Puis vient l’heure de retrouver le FlixBus pour Vienne. Derrière les vitres, la ville défile et une petite nostalgie s’installe : en deux journées, Budapest nous aura servi un beau condensé, panoramas, ruelles de caractère, lieux alternatifs.
On compare nos photos, on évoque les saveurs préférées, on note mentalement les quartiers à creuser la prochaine fois. Et déjà, l’excitation remonte : cap sur Vienne, ses palais, ses promenades impériales. Une suite prometteuse.